L’indépendance du vétérinaire au cœur des décisions de radiation confirmée par le Conseil d’état

Par une décision du Conseil d’état du 10 juillet 2023, le Conseil d’état a validé les décisions de radiation de cliniques vétérinaires et d’interdiction d’exercice de la profession vétérinaire à la suite d’opérations de plusieurs opérations de restructuration ayant eu lieu en 2020.

En effet, aux termes de l’article L242-4 du Code rural et de la pêche maritime, le conseil régional peut prononcer l’omission temporaire du tableau, et le cas échéant la radiation d’une société de vétérinaires qui ne respecterait pas les conditions requises par cet article, notamment de moralité, d’indépendance et de compétence.

Face à plusieurs opérations de restructuration importantes, notamment la prise de participation par la société AniCURA, détenue majoritairement par la société Mars Pets Services UK Limited, contrôlée elle-même par Mars Inc., le Conseil d’état valide les décisions de radiation.

Le CRO avait décidé de radier les cliniques vétérinaires en question au motif que l’indépendance du vétérinaire n’était pas garantie et qu’il existait un conflit d’intérêts.

C’est finalement le motif de l’indépendance qui est retenu par le Conseil d’état pour valider les décisions de radiation, fondé sur l’article R.242-33 du Code rural lequel rappelle que le vétérinaire « ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit« .

L’indépendance du vétérinaire est garantie par l’article L.241-7 du Code rural et de la pêche maritime lequel prévoit que plus de la moitié du capital social et des droits de vote d’une société doit être détenue par des vétérinaires professionnels exerçant dans la société.

Derrière cette notion d’indépendance du vétérinaire, c’est la notion de contrôle effectif qu’il convient d’analyser sur lequel la Cour de Justice de l’Union Européenne avait déjà statué ( Colegiul Medicilor Veterinari din România (CMVRO) contre Autoritatea Nationala Sanitara Veterinara si pentru Siguranta Alimentelor du 1er mars 2018) , en rappelant qu’un Etat ne pouvait empêcher un centre vétérinaire d’avoir des associés autres que vétérinaires, sous réserve que le contrôle effectif soit dans les mains des vétérinaires exerçants afin de garantir l’indépendance des vétérinaires à l’égard des impératifs commerciaux qui pourraient leur être imposés.

En l’espèce, les statuts de la société concernée prévoyaient que l’assemblée générale ne pouvait délibérer valablement que si les actionnaires présents ou représentés possédaient au moins 51% des droits de vote, impliquant la présence obligatoire d’un actionnaire non vétérinaire.

En outre, un des actionnaires non vétérinaires bénéficiait d’une promesse de vente sur la majorité du capital social, qu’il pouvait réaliser à tout moment et substituer toute personne de son choix.

Enfin, deux sur trois membres du conseil d’administration devaient être proposés par l’actionnaire non vétérinaire.

En conséquence de quoi, le Conseil d’état a considéré que les vétérinaires exerçants ne disposaient d’aucun contrôle effectif de la société.

En second lieu, c’est l’existence d’un conflit d’intérêt sur le fondement du 2°, II de l’article L.241-17 du Code rural et de la pêche maritime aux termes duquel « la détention directe ou indirects du capital social est interdite aux personnes fournissant des services, produits ou matériels utilisés à l’occasion de la profession vétérinaire ou ayant une activité d’élevage, de production ou de cession d’animaux ou de transformation des produits animaux« .

Cette interdiction n’est pas totale et concerne les professionnels visés qui auraient des intérêts susceptibles d’influencer l’exercice vétérinaire.

En l’espèce, les sociétés concernées sont les sociétés ACAB qui fournit des « services supports » à destinataire de services vétérinaire et la société Mars Inc.

Le Conseil d’état considère toutefois que le conflit d’intérêt n’est pas caractérisé, la fourniture de services support ne relevant pas des professionnels interdits.

La société Mars Inc. détient effectivement une filiale dans la fourniture de produits alimentaires pour animaux mais cette filiale n’est pas concernée par la prise de participation.

La question de l’indépendance est au cœur des réflexions aujourd’hui, l’Ordre des vétérinaires ayant publié notamment un rapport sur l‘indépendance du vétérinaire en 2022 qui avait proposé désormais la définition suivante de l’indépendance professionnelle : « l’obligation de se référer uniquement à ses connaissances scientifiques et à son expérience, avec comme objectifs indissociables, les intérêts de l’animal et de la santé publique ainsi que les intérêts des clients sans que quiconque, à l’exception des raisons impérieuses d’intérêt général ne commande aux vétérinaires leur actes professionnels« .

Cette indépendance du vétérinaire « s’exerce au bénéfice des actes de médecins et de chirurgie visés à l’article L.243-1 du Code rural et de la pêche maritime ainsi qu’aux actes de gestion induits dans la gouvernance de l’entité d’exercice, sa direction et le management de la structure« .

Le Conseil de l’ordre émet deux recommandations pour les futures restructurations, d’une part, la société d’exercice vétérinaire doit prendre en compte les enjeux sociétaux et environnementaux, se classant ainsi parmi les entreprises à mission, et d’autre part, la mise en place d’une surveillance effective de l’indépendance professionnelle par la mise en place d’une instance de contrôle.

Des considérations importantes à prendre en compte dans le cadre de futures restructurations de cliniques vétérinaires, dès lors que les conseils régionaux de l’ordre disposent toujours du pouvoir d’omission et de radiation des cliniques qui ne respecteraient pas l’indépendance des vétérinaires professionnels.

Holly Jessopp – Avocat Associé

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